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Johann Bernhard Basedow ou la diffusion transnationale d’une pédagogie des amis de l’humanité

Loïc Chalmel
p. 17-33

Abstracts

The pedagogy of the philanthropists is built on a mutual and dialectic interrogation between theory and practice, between Basedow and Wolke. Having very different personalities, they are the two main contributors of the philanthropic pedagogy. Essentially, the “modernity” of these educators can be summed up with the maxim “no learning without education, no education without learning”. We have tried to show how some of the innovative philanthropic ideas are travelling far beyond their original territory, stretching across borders in an international network.

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Full text

  • 1 Auguste Pinloche, La réforme de l’éducation en Allemagne. Basedow et le philanthropinisme, Paris, A (...)

1Qui se souvient aujourd’hui encore des éducateurs philanthropinistes et de leurs principes pédagogiques ? Certes, les spécialistes feront un probable rapprochement avec la personnalité complexe et controversée de Johann Bernhard Basedow et la réforme de l’éducation outre-Rhin au xviiie siècle. L’enjeu du présent article n’est pas seulement de faire mémoire du pédagogue allemand et de ses principaux collaborateurs : d’autres s’y sont déjà essayés, à l’instar d’Auguste Pinloche1. Nous avons plutôt tenté de montrer en quoi certaines des idées novatrices des philanthropinistes dépassent largement leur territoire d’origine et traversent les frontières au sein d’un réseau à dimensions internationales.

2Les contributions francophones sur l’épopée philanthropiniste demeurent assez peu nombreuses. La plus remarquable à cet égard reste la thèse de Pinloche (1889). La Réforme de l’éducation en Allemagne au xviiie siècle propose ainsi, outre une étude approfondie de la pensée de Basedow, une présentation des institutions créées par ses principaux collaborateurs et leurs spécificités. Cet ouvrage ne prend cependant pas en compte plusieurs aspects importants de la problématique :

  • Basedow eut lui-même ses précurseurs, parmi lesquels domine le nom de Martin Planta (1727-1772), même si le pensionnat créé à son initiative ne fut appelé Philanthropinum qu’après sa mort en 1772. S’il n’en porte pas encore le nom, le séminaire d’Haldenstein n’en constitue pas moins un espace pionnier pour la mise en œuvre expérimentale des principes pédagogiques philanthropinistes futurs, et cela bien avant la publication par Basedow de son Livre élémentaire ;

  • Le philanthropinisme est appréhendé comme un mouvement de pensée spécifiquement germanique, sans véritable rapport avec l’espace pédagogique francophone ;

  • La notion essentielle à nos yeux de réseau européen d’institutions scolaires, largement interconnecté avec d’autres mouvements culturels, d’autres groupes de pression idéologiques, économiques et politiques, dont la connaissance s’avère nécessaire à la compréhension d’une aspiration globale à l’idée de « réforme » dans cette seconde partie du xviiie siècle, ne constitue qu’un aspect marginal de l’analyse.

3Une idée éducative ne peut se lire hors des échanges complexes qu’elle entretient avec son univers politique et social de référence. À ce propos, l’examen des rapports entre philanthropie et franc-maçonnerie s’impose comme un outil fondamental à l’appréhension d’un ensemble particulièrement hétérogène de prime abord.

4Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, dans son édition en un volume de 1911, permet, grâce en particulier à l’érudition du Jurassien James Guillaume, de relier les uns aux autres toute une série de pédagogues ayant un rapport avec le philanthropinisme et ayant pour la plupart séjourné à Dessau : Bahrdt (p. 158), Campe (p. 206), Gutsmuths (p. 774), Olivier (p. 1468), Planta (p. 1638), Salzmann (p. 1856), Schweighäuser (p. 1870), Simon (p. 1901), Trapp (p. 1973) et enfin Wolke (p. 2065). L’idée de réseau s’impose alors comme une évidence avec son cortège de questions :

  • Qui sont véritablement ces philanthropinistes et quel mode d’articulation théorie/pratique privilégient-ils ?

  • Qu’adviennent leurs idées, dans quels lieux conduisent-elles à des pratiques effectives, par quels canaux cheminent-elles et selon quelles modalités ?

5C’est principalement à partir de la Méthode naturelle d’instruction de Wolke (1782), combinée aux finalités plus théoriques définies par Basedow dans son Elementarwerk (1774), que nous avons bâti notre analyse des rapports entre principes, objectifs, moyens, méthodes et techniques propres à la pédagogie mise en œuvre par les maîtres de Dessau. Nous en avons retiré cinq perspectives qui constituent à nos yeux le cœur de la doctrine éducative philanthropiniste :

  • Le concept de religion naturelle ;

  • Le caractère multilingue des apprentissages ;

  • Le statut de la petite enfance ;

  • La relation entre images et pédagogie ;

  • La relation entre musique et pédagogie.

Les Maîtres de Dessau

6Le mouvement pédagogique que Ferdinand Buisson nomme philanthropinisme est principalement incarné à l’origine par deux protagonistes : Johann Bernhard Basedow le théoricien, et Christian Heinrich Wolke le pédagogue. La pédagogie des amis de l’humanité se construit ainsi dans une interrogation dialectique et mutuelle entre théorie et pratique, entre Basedow et Wolke, même si l’histoire n’a souvent retenu que le nom du premier, lorsqu’elle ne les a pas oubliés tous deux. Excessivement différents du point de vue du caractère et de leur ambition personnelle et professionnelle, ils marquent chacun de leur empreinte les destinées du philanthropinisme, Basedow par ses fulgurances conceptuelles, Wolke par son inlassable activité auprès des élèves et des maîtres en formation au Philanthropinum.

Johann Bernhard Basedow

  • 2 Philalethie, oder Aussichten in die Wahrheit und Religion der Vernunft, bis in die Grenzen der glau (...)

7Né à Hambourg en 1723 dans un milieu modeste, Basedow est formé à l’école des théologiens luthériens de Leipzig, avant d’embrasser la carrière de professeur, à l’Académie danoise de Soroë, puis à Altona. Théologie et pédagogie dans leurs interactions constituent pour lui jusqu’en 1761, date à laquelle il est révoqué sous l’influence des luthériens orthodoxes, des sources de réflexion et d’écriture privilégiées. À partir de cette époque, le corps de la future doctrine philanthropiniste est déjà présent dans ses textes : théologiques, ils s’éloignent des dogmatismes, multipliant les attaques contre la religion révélée en lui préférant le principe de religion naturelle, tout en restant fidèle à l’Évangile2. Pédagogiques, ils synthétisent les revendications des Aufklärer et celles des physiocrates, proposant de nouvelles approches à travers l’étude des langues et des sciences naturelles.

  • 3 Livre élémentaire ou Recueil encyclopédique pour l’enseignement de la jeunesse, Dessau, 4 vol., ave (...)
  • 4 Émile G. Léonard, Histoire générale du protestantisme (vol. 3), Paris, PUF, 1964, p. 98.

8En 1771, Basedow répond à l’appel de Leopold Friedrich Franz, prince éclairé de Anhalt Dessau, pour l’aider à réformer l’enseignement des écoles de sa province. L’année 1774 marque, d’une certaine manière, l’aboutissement de ses efforts, avec la publication de l’Elementarwerk zum Unterricht der Jugend3 et la création du Philanthropinum, institut devant comporter un séminaire de formation des maîtres et un internat pour des enfants de six à dix-huit ans. « Remaniement de l’Orbis pictus de Comenius d’après le plan d’études de l’Émile de Rousseau »4, le Livre élémentaire fonde les pratiques des pédagogues de Dessau autour de trois thèmes essentiels : la religion naturelle, l’utilisation de l’expérience sensible et de l’image, la pratique active des langues. Ces quatre volumes déclinent un programme d’éducation cohérent de la petite enfance jusqu’à l’âge de dix-huit ans :

  • Notions élémentaires sur le monde et les choses ;

  • Méthode originale et expérimentale pour apprendre à lire ;

  • Connaissances physiques et naturelles ;

  • Connaissances morales et philosophiques ;

  • Méthode d’instruction impressive et intuitive en matière de religion naturelle ;

  • Notions pratiques sur la société, le commerce, etc.

  • 5 Le Monde sensible illustré en quatre langues.

9Inspiré à la fois de Rousseau et de Comenius, le Livre élémentaire tente le difficile pari d’une rencontre féconde et interactive entre foi et raison. Les principes essentiels à la formation « d’Émile » s’imposent manifestement aussi aux philanthropinistes : primauté de l’expérience sensible sur les discours d’autrui, attention prêtée à l’hygiène, application du raisonnement à la morale, etc. Mais derrière l’usage du recueil d’images qui l’accompagne se profile incontestablement l’œuvre de Comenius. Publié en 1658 à Nuremberg, l’Orbis sensualium pictus quadrilinguis5 fut le premier manuel scolaire où l’image joua un rôle fondamental dans l’acquisition du savoir. Pour la première fois, l’iconographie plus que le texte est reconnue source de connaissances. Les estampes de Daniel Chodowiecki (1726-1801), artiste germano-polonais pour lequel Goethe avait « une estime démesurée », invitent à la mise en œuvre d’une pédagogie de l’image modernisée, dont les fondements restent néanmoins identiques à ceux voulus par le maître morave. En effet, pour Basedow comme pour Comenius, l’image représente l’auxiliaire indispensable pour suppléer à de nombreux éléments du monde sensible que le pédagogue ne peut faire entrer dans la classe. Elle apparaît ainsi comme le palliatif privilégié lorsqu’on ne peut placer l’élève en situation de manipuler directement ; cette initiation par l’iconographie au monde réel est nécessaire si l’on accepte, avec Basedow et Comenius, une théorie de l’apprentissage selon laquelle le sensible est inséparable de l’intellectuel, le concept de l’image et l’objet réel du mot qui le décrit. L’Elementarwerk accompagné de son recueil d’estampes entend donner aux maîtres un outil fiable aux fondements théoriques solides, et aux élèves du Philanthropinum une formation accélérée et plus aisée.

10La domination intellectuelle de Basedow sur le Philanthropinum de Dessau cesse peu après l’examen public de 1776. Déçu par les retombées financières d’une opération de relations publiques pourtant bien menée, il décide alors de quitter ses fonctions. Outre le désenchantement du curateur sur la philanthropie active de ses concitoyens, son caractère irascible et tyrannique avec les membres de l’équipe pédagogique, doublé d’une large incompétence en matière d’administration humaine et financière, expliquent pour une large part la déposition de 1776. À ce propos, Goethe dresse le portrait suivant du maître de Dessau, qu’il rencontre pour la première fois à Francfort, puis aux bains d’Ems en 1774 :

  • 6 Johann Wolfgang von Goethe, Poésie et vérité. Souvenirs de ma vie (P. du Colombier, trad.), vol. XI (...)

Cependant, la conduite de Basedow était encore beaucoup plus étrange et plus difficile à comprendre que sa doctrine. En faisant ce voyage, il avait l’intention de gagner le public, par sa personnalité, à son entreprise philanthropique et d’ouvrir non seulement les cœurs mais aussi les bourses. Il s’entendait à parler de son dessein avec largeur et persuasion, et l’on admettait volontiers ce qu’il affirmait ; mais avec une maladresse inconcevable, il blessait les cœurs des personnes qu’il voulait mettre à contribution ; il les offensait même sans nécessité, en n’arrivant pas à retenir ses opinions et ses bizarreries sur les matières religieuses […]. À la fois dur et inconscient de ses responsabilités, il se déclarait devant tout le monde ennemi déclaré de la Trinité et n’en finissait pas d’argumenter contre ce mystère universellement reconnu. […] Basedow, au contraire, beaucoup trop concentré en lui-même, était incapable de prendre garde à son extérieur. Il était déjà extrêmement désagréable qu’il fumât sans interruption de mauvais tabac, d’autant que, une pipe à peine achevée, il allumait aussitôt de l’amadou malproprement préparé, qui prenait feu très vite, mais qui sentait mauvais, et qui, dès les premières bouffées, empestait l’air d’une façon insupportable. J’appelais ce produit l’amadou puant de Basedow, et je voulais l’introduire sous ce nom dans l’histoire naturelle : sur quoi il trouvait très drôle de m’expliquer en détail, de manière à me dégoûter, cette répugnante préparation, et mon horreur lui inspirait une joie féroce. Car c’était un des travers profondément enracinés chez cet homme si remarquablement doué, que d’aimer à taquiner les gens et à provoquer sournoisement les plus innocents. Il ne pouvait laisser personne tranquille ; d’une voix rauque, par quelque raillerie, il excitait les gens, il les mettait dans l’embarras par une question soudaine et riait amèrement quand il avait atteint son but, mais il était fort content quand on reprenait vite son sang-froid et qu’on lui rendait la pareille6.

11Après le bref passage de Joachim Heinrich Campe (1746-1818) à la tête de l’institut, il sera donné à Wolke, fidèle compagnon de la première heure, d’assurer la continuité des enseignements. Avec une réussite certaine puisqu’en 1782, le Philanthropinum compte cinquante pensionnaires. Pour sa part, Basedow continue à publier des écrits pédagogiques jusqu’à sa mort en 1790 à Magdebourg.

Christian Heinrich Wolke

12Si Basedow reste le maître à penser du philanthropinisme à l’origine, on peut légitimement attribuer à Christian Heinrich Wolke, né en 1741 à Jever dans une famille de paysans aisés, les réussites pédagogiques de l’école de Dessau, ainsi que l’écrit Emmanuel Kant à l’un de ses amis :

  • 7 Cité par Ferdinand Buisson dans Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, (...)

L’institut commencé par Basedow, et qui est placé aujourd’hui sous la direction de Wolke, a pris une forme nouvelle sous la main de cet homme infatigable et véritablement fait pour réformer l’éducation. Le monde sent vivement de nos jours la nécessité d’une éducation meilleure ; mais plusieurs tentatives faites dans cette intention n’ont pas réussi. L’établissement de M. de Salis et celui de Bahrdt ont cessé d’exister. Il ne reste plus que l’institut de Dessau ; et s’il s’est maintenu, c’est uniquement parce qu’il a à sa tête un homme qu’aucune difficulté ne décourage, modeste et incroyablement actif, qui possède en outre cette qualité rare de rester fidèle à son plan sans entêtement étroit. Sous sa surveillance, cet établissement doit devenir avec le temps, le modèle et l’origine de toutes les bonnes écoles dans le monde, pourvu qu’on lui accorde au début l’appui et l’encouragement qu’il mérite7.

  • 8 Voir notamment Johann Friedrich Simon, Observations sur l’organisation des premiers degrés de l’ins (...)
  • 9 Voir Johann Friedrich Simon, Johann Schweighäuser, Einiger vom Dessauischen Philanthropin abgegange (...)

13Présent à Dessau dès la fondation du Philanthropinum en 1774, seul tout d’abord, puis aidé de Johann Friedrich Simon (1747-1829)8 et de Johann Schweighäuser (1753-1801)9, il est le principal maître d’œuvre des brillants résultats qui firent sa réputation suite à l’examen public de 1776 ; après le départ de Basedow, Wolke dirige l’établissement de 1778 à 1784, date à laquelle, malade, il doit se retirer. Il en assure la pérennité durant ces sept années, publie les Philanthropischen Unterhaltungen qui succèdent au Philanthropischen Archiv, et contribue à la renaissance de la pédagogie dans les pays germaniques en assurant la formation d’hommes de premier rang, tels Christian Gotthilf Salzmann (1744-1811) ou le Vaudois Louis Henri Ferdinand Olivier (1759-1815), qui se feront à leur tour les prosélytes des idées éducatives philanthropiques.

  • 10 Instruction pour les mères et les instituteurs.
  • 11 Méthode naturelle d’instruction.

14Mais l’œuvre de Wolke ne saurait être associée à l’unique dimension pragmatique, aussi noble soit-elle : auteur de plusieurs traités de pédagogie d’un grand intérêt, il participe activement aux débats avec les intellectuels de son temps sur les questions éducatives. Ses préoccupations théoriques rejoignent précisément les grandes options développées par Basedow dans l’Elementarwerk : la formation des maîtres et des éducateurs comme dans son Anleitung für Mütter, Erzieher und künftige Kinderschriftsteller10 ou la religion naturelle et le développement de compétences plurilinguistiques dans la Naturgemäße Erziehungs-Lehre11 :

  • 12 Christian Heinrich Wolke, Méthode naturelle d’instruction, Leipzig, Lebrecht Crusius, 1782, p. 4.

Méthode propre à accélérer sans traduction l’intelligence des mots de chaque langue étrangère, l’acquisition de nouvelles idées et leur combinaison mutuelle ; praticable par des entretiens sur toutes les choses présentes aux écoliers et sur les objets qui, dessinés par M. D. Chodowieki pour l’ouvrage élémentaire de M. Basedow, se trouvent sur cent estampes dont ce livre contient la description12.

15Mais naissent également sous sa plume des ouvrages d’une tonalité plus personnelle, à propos de recherches sur le langage des sourds-muets (Wie Kinder und Taubstumme zu Sprachkenntnissen und Begriffen zu bringen sind) ou de l’élaboration d’une langue universelle (téléphrasie) doublée d’une méthode pour correspondre à distance (pasiphrasie). Le pédagogue de Dessau explique lui-même sa passion pour les langues et les langages par les modalités de sa propre formation académique :

  • 13 Ibid., p. 8.

C’est en 1761, dans la vingtième année de mon âge, que mon père me donna la permission, si longtemps désirée, de m’appliquer aux études académiques, et entre autres à celles des langues grecque, latine et française. J’achevais ces études en deux ans et demi. Je me sentis un aiguillon extraordinaire de me pousser moi-même dans la carrière où j’étais entré. À l’aide des dictionnaires, je cherchai à exprimer en langue étrangère tout ce que je voyais et j’entendais autour de moi, dans la chambre, dans la ville et à la campagne. Je tâchais de traduire quelquefois ce que les autres se disaient, et j’adressais souvent la parole à des choses qui ne pouvaient me donner aucune réponse. Ce sont les circonstances qui m’ont fait naître l’idée des différentes méthodes dont je parlerai bientôt plus en détail et au moyen desquelles je compte avoir appris plus de six mille mots pendant trois mois, temps où je n’eus des leçons que deux heures par jour d’un maître particulier, sans y comprendre les mots qui résultent des noms et des verbes par leur déclinaison, comparaison et conjugaison. En ce même temps, je parvins à une connaissance des règles de la grammaire latine assez grande pour oser disputer avec mon maître sur leur juste application dans mes thèmes13.

16Après s’être retiré de Dessau, Wolke séjourne dix-sept ans en Russie, sous la protection de l’impératrice Catherine, et dirige un établissement d’éducation à Saint-Pétersbourg. Il termine son existence à Berlin où il meurt le 18 janvier 1825, âgé de 84 ans. La Méthode naturelle d’instruction constitue une source historique de première importance, et c’est principalement sur ce document que nous bâtirons notre analyse des rapports entre principes, objectifs, moyens, méthodes et techniques propres à la pédagogie mise en œuvre par les maîtres de Dessau.

Religion naturelle

  • 14 Émile G. Léonard, op. cit., p. 36.

17Le concept de religion naturelle, à replacer dans le contexte du développement du rationalisme religieux, fait de Basedow l’héritier d’une tradition qui prend sa source à l’orée du xviiie siècle. L’anglais John Locke (1632-1704) tente alors de rapprocher religion et raison dans des ouvrages comme la Lettre sur la tolérance (1689) ou sa Reasonableness of Christianity (1695). Pour lui, « […] la vérité biblique est conforme à la raison, la Révélation ayant eu le mérite de présenter sous une forme simple et populaire des enseignements que l’intelligence humaine n’aurait peut-être jamais trouvés, mais qu’elle est au moins capable d’apprécier et de comprendre »14. Dans la lignée de Locke, William Wollaston (1659-1724) publie en 1722 un Tableau de la religion naturelle déiste et optimiste.

  • 15 Cité par Émile G. Léonard, op. cit., p. 46.

18En Allemagne, la pensée d’un Leibniz constitue un écho à celle de Locke à cet égard : « Vouloir renoncer à la raison en matière de religion est pour moi une marque presque certaine ou d’un entêtement proche de l’enthousiasme ou, qui pis est, d’une hypocrisie. On ne croit rien, ni en religion ni ailleurs, que par des raisons vraies ou fausses qui nous y portent […] Nous n’avons pas besoin de renoncer à la raison pour écouter la foi, ni de nous crever les yeux pour y voir clair, comme disait la reine Christine… »15. À la suite de Leibniz, Christian Thomasius (1655-1728) et surtout son élève Johann-Christian Wolff (1655-1728), acteur de l’Aufklärung, professe, en 1712 puis en 1719 un déterminisme niant le surnaturel et surtout la Révélation. Goethe, pour sa part, donne la définition d’une forme de religion naturelle conforme à l’esprit du Sturm und Drang :

  • 16 Johann Wolfgang von Goethe, op. cit., vol. IV, p. 93.

La religion générale, naturelle n’a, à proprement parler, besoin d’aucun dogme, car la conviction qu’un grand Être, créateur, ordonnateur et régulateur, se cache, en quelque sorte, derrière la nature, pour se rendre saisissable à nos sens, cette conviction s’impose à tous, et, lors même que ce fil, qui mène l’homme à travers la vie, lui échappe quelquefois, il peut le ressaisir toujours et partout. Il en est tout autrement de la religion particulière qui nous enseigne que ce grand Être s’intéresse spécialement et par préférence à un individu, à une tribu, à un peuple, à une contrée. Cette religion est basée sur la foi, qui doit être inébranlable, sous peine d’être aussitôt renversée de fond en comble. Pour cette religion, le moindre doute est mortel. On peut revenir à la conviction, mais non à la foi. De là les épreuves infinies, l’hésitation à remplir des promesses si souvent répétées, par où la foi de ces ancêtre est mise en pleine lumière16.

  • 17 Johann Bernhard Basedow, Christian Heinrich Wolke, Johann Friedrich Simon, Johann Schweighäuser, Ph (...)

19On retrouve chez les philanthropinistes, pour l’essentiel, les principes d’un déisme universel : « Nous ne nous permettons, ni dans nos paroles, ni dans nos actes, rien qui ne puisse être approuvé par tout adorateur de Dieu, qu’il soit chrétien, juif, musulman ou déiste »17. Les principes fondateurs de ce déisme pour le moins cosmopolite sont à rechercher dans l’ouvrage de Basedow Abhandlung vom Unterricht der Kinder in der Religion (1764), rationaliste sur le fond et socratique sur la forme.

  • 18 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 18.

20D’un point de vue méthodologique, outre l’instruction dans les dogmes particuliers de chaque religion, laissée aux soins des ministres des différents cultes, Simon et Schweighäuser dirigent des exercices religieux à partir des principes essentiels de la religion naturelle : « […] des actes de religion dans notre oratoire philanthropique, cet espoir de tous les adorateurs éclairés de la divinité »18. Lors de son départ définitif de Dessau en 1778, Basedow promet de continuer à éclairer les philanthropes sur la question du rapport à Dieu : « Il quitta notre institut en déclarant qu’on ne devait plus compter sur lui que dans le cas où l’on aurait besoin de son secours pour la liturgie philanthropique. Depuis ce temps M. Basedow s’est occupé à établir une paix durable entre la raison et le christianisme primitif […] ». Le perfectionnement de cette « liturgie philanthropique », en particulier lors de la présence de Salzmann à Dessau, semble, d’après Wolke, avoir convaincu les ecclésiastiques au-delà des clivages religieux :

  • 19 Ibid., p. 20.

Les défenseurs même des vieilles routines paraissent à présent convaincus que c’est bien de la jeunesse, confiée à notre institut, et l’amélioration des écoles et des instituteurs, qui nous tiennent à cœur. Divers exemples ont prouvé aux ecclésiastiques des différentes communions que notre institution préliminaire prépara à leurs souhaits nos élèves à s’instruire des connaissances et des articles de foi, adoptés par l’église dont ils doivent devenir membres. Jusqu’à cet instant il ne s’est pas élevé le moindre démêlé entre eux et notre établissement. Chrétiens éclairés et sages, ils ne peuvent pas nous désapprouver, si nous tâchons de rendre Dieu et Jésus Christ aimables à nos élèves, de la manière que nous croyons la plus propre et la plus efficace, et de parvenir enfin à une liturgie plus perfectionnée, plus à la portée de la jeunesse et plus conforme à la nature humaine, savoir, qui éclaire, édifie et porte effectivement le cœur et l’esprit à la pratique du bien19.

21Nous insisterons pour conclure sur le caractère « messianique » de la religion naturelle promue par les philanthropes. Les élèves de Dessau portent en effet les espoirs de la diffusion internationale de valeurs fondatrices de l’esprit cosmopolite telles l’amour du prochain sans exclusive, la tolérance universelle, la paix, le refus des nationalismes et des croyances sectaires :

  • 20 Ibid., p. 22-23.

Le philanthropinum idéal nous sert de but dont nous croyons devoir nous rapprocher de plus en plus, c’est-à-dire que nous désirons que notre établissement, avec plusieurs autres qui aient les mêmes desseins, vienne à cette force et à cette perfection de pouvoir pousser ses influences bienfaisantes au-delà des limites de l’Europe, de propager, sur la terre des connaissances utiles et des sentiments nobles, l’amour de Dieu, Père des hommes, l’amour de Jésus Christ, notre modèle, l’amour du prochain, de nos frères, la paix, la concorde, le contentement du cœur – enfin le bonheur du genre humain. Plût à Dieu que nous puissions intéresser bientôt tout le monde pour une religion pratique et une philanthropie impartiale qui nous porte à bannir l’esprit de secte, l’intolérance et même toute prévention nationale ; qui nous fait estimer dans chaque homme ce qu’il a d’estimable, sans nous informer quelle religion il professe et dans quel coin de la terre il est né. Nous nous rassurons quelquefois par la pensée agréable que nos élèves contribueront à l’accomplissement de nos souhaits philanthropiques, qu’entrés dans le monde ils répandront leurs connaissances et leurs sentiments, chacun dans sa sphère20.

22Les pédagogues philanthropinistes cherchent à donner une réalité quotidienne au concept multidimensionnel de religion naturelle. C’est dans ce sens que Basedow et ses principaux disciples, Campe et Salzmann, développent des articulations théorie/pratique qui varient essentiellement en fonction de leur positionnement théologique et anthropologique et de leurs personnalités respectives :

  • 21 Marlies Jansen, Religionsunterricht und Sittenlehre philanthropischer Pädagogen (Basedow – Campe – (...)

Pendant que Basedow se réclamait de la religion naturelle pour l’enseignement et que Salzmann voulait initier les enfants au christianisme, et entrèrent à cause de ça, en leur temps, en conflit avec différents groupes mondains, Campe cherche à éluder toute provocation, même s’il n’y réussit pas toujours21.

23Pour Basedow, créateur et théoricien de la pédagogie philanthropiniste, nature et raison sont également nécessaires à la connaissance de Dieu : religion naturelle et instruction morale représentent les pierres angulaires de son enseignement, comme des outils indispensables pour accéder à la vertu et à la félicité. Campe, pédagogue et homme de lettres du philanthropinisme, fait reposer tout enseignement religieux sur le principe fondamental de l’autonomie morale de l’homme. Pour Salzmann, liturgiste et propagandiste des conceptions de Basedow, l’enseignement religieux chrétien fait office de morale, l’expérience de la raison rendant l’homme capable de comprendre et d’accéder aux concepts.

Multilinguisme

  • 22 Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langu (...)

24La question de l’apprentissage précoce des langues constitue incontestablement un enjeu essentiel pour les pédagogues de Dessau. Elle s’apparente à l’éthique même du cosmopolitisme dont ils se réclament : à l’opposé des grands humanistes qui firent du latin la langue de la science et de la diplomatie, les philanthropinistes s’engagent résolument dans une stratégie multilingue. Une telle démarche peut paraître pionnière, mais également paradoxale, au cœur d’une Europe où les langues nationales émergeantes sont loin d’être répandues dans les pratiques véhiculaires quotidiennes (cf. rapport d’Henri Grégoire)22. Basedow prétendait apprendre communément une langue étrangère à un enfant de six à huit ans en quelques mois. Le spectacle de jeunes enfants germanophones s’exprimant très correctement et sans préparation apparente, en français ou en latin, assura pour l’essentiel la réussite de l’examen de 1776. Réalité ou fiction ? Puissance de la méthode, ou, comme le prétend Herder, gavage d’oies ?

25Une analyse attentive de la Méthode naturelle de Wolke, propre à « enseigner les langues étrangères par le moyen des objets et sans le secours de la traduction », permet la mise en exergue d’un certain nombre de principes généraux pour ce qui concerne l’acquisition de connaissances :

  • la fatigue et l’ennui des élèves représentent les pires ennemis du pédagogue ; une méthodologie rénovée se doit de rendre l’étude attrayante, en plaçant le jeu et l’expérience au cœur des apprentissages ;

  • le bon sens naturel et la raison constituent les principes actifs du développement de l’intelligence humaine ; ils doivent ainsi être sollicités prioritairement par rapport à la mémoire ;

  • l’élève doit avoir une perception claire de l’utilité de chaque nouvelle acquisition ;

  • l’intérêt, la curiosité que suscite chez l’élève une approche respectueuse de son rythme d’apprentissage et qui prend en compte ses tâtonnements successifs, induisent un rapport de confiance et de respect mutuel avec le pédagogue philanthrope, permettant de substituer l’émulation à la discipline, l’attrait de la découverte à la crainte et des châtiments ;

  • le développement des forces corporelles naissantes, l’éducation physique et sensori-motrice, occupent une place considérable et constituent des médias irremplaçables, lorsque ceux-ci sont mis au service des apprentissages.

26Certains invariants apparaissent plus spécifiques à la didactique des langues :

  • préférer, selon l’expression de Comenius, l’approche synthétique à la démarche analytique dans la construction du rapport signifiant/signifié, en montrant par exemple les objets aux enfants, ou leur substitut iconographique, au lieu de leur faire mémoriser les mots ;

  • reléguer l’étude de la grammaire au second plan, par rapport à une communication orale puis écrite dynamique et interactive.

27L’objet et sa perception sensorielle occupent une place centrale dans l’élaboration du rapport signifiant/signifié au sein de divers codes linguistiques. La construction de l’abstraction suit, selon Wolke, un cycle, de la manipulation de la chose à sa représentation d’abord imagée, puis associée à un code linguistique étranger, sans le secours de la langue maternelle. L’activation de stratégies mnémotechniques permet alors la construction d’une image mentale, support à l’abstraction. Enfin, la restitution du rapport signifiant/signifié dans la situation de communication constitue une procédure idéale de contrôle et de régulation de l’ensemble du processus d’apprentissage. Wolke rappelle lui-même, à ce propos, les principes fondateurs de sa « Méthode naturelle » :

Si, depuis la confusion des langues à la tour de Babel jusqu’à nos jours, on a fait les observations que je vais rapporter, je ne comprends pas pourquoi l’on a négligé de les mettre en pratique pour l’étude des sciences et des langues :

1.  Un enfant, un jeune homme, même toute personne, rappellent le plus vivement à son esprit l’image d’un objet, par le nom qu’il a entendu prononcer, lorsqu’il aperçut cet objet par le moyen de ses sens ;

2.  Lorsqu’on fait apprendre à un écolier le nom d’une chose dans une langue étrangère par le seul moyen du mot connu dans sa langue maternelle, il ne saisit que faiblement le son du mot étranger ; il est exposé à l’oublier assez vite, parce que son imagination, passant plus aisément à la représentation de l’objet nommé par le moyen du mot connu, ne s’arrête que faiblement sur le mot nouveau, et ne s’en occupe pas assez ;

3.  Si, en présentant un objet aux enfants, on ne leur en prononce le nom que dans une langue étrangère, il est naturel que l’âme de l’enfant ne s’occupe pas autant du nom de l’objet connu dans sa langue maternelle que de celui qu’on lui fait entendre. Dans ce cas-ci, l’imagination passe plus facilement à la représentation de la chose, avec le nom étranger, et les allie dans la suite plus aisément que lorsque le nom étranger doit s’imprimer dans la mémoire, par le secours du nom connu qui y répond ;

  • 23 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 26-27.

4.  La méthode de faire apprendre le nom des choses dans une langue étrangère par le moyen des noms connus d’une autre langue exige en même temps trois opérations différentes de l’âme, lorsqu’il faut encore qu’elle se représente la chose. C’est trop pour l’âme des enfants ordinaires, et c’est sans doute la raison pour laquelle l’étude des langues et des sciences qui demandent leur connaissance est si pénible et si désagréable aux jeunes gens23.

28Wolke s’engage ensuite dans une description méthodologique précise des différentes situations et jeux de langage mis en œuvre par les pédagogues de Dessau. Il esquisse par ce moyen les bases méthodologiques d’une pédagogie active, dont le bain langagier et le jeu du « commandement » constituent les pratiques réservées aux plus jeunes enfants. Avant six ans, ceux-ci sont entraînés à associer les vocables de langues étrangères à leurs perceptions sensorielles, constamment sollicitées. La dimension de l’écoute est exclusive dans un premier temps, l’observation des actes posés par l’enfant suffit au pédagogue pour s’assurer de sa compréhension. À cet égard, le principe « un maître, une langue » (ou mieux plusieurs langues étrangères, puisque Basedow, Wolke, Simon et Schweighäuser prétendaient utiliser, outre l’allemand, le français et le latin comme des langues maternelles) se voit appliqué en particulier par le refus de toute traduction.

  • 24 Jan Amos Comenius, La Grande Didactique, Paris, Klincksieck, 1992 [1657].

29La mobilisation systématique des perceptions sensorielles et émotionnelles du jeune enfant, l’utilisation de l’environnement comme outil d’apprentissage, les compétences linguistiques et relationnelles avérées du maître sont autant de conditions nécessaires à la réussite de ce processus méthodique. Les choix méthodologiques des pédagogues de Dessau les situent clairement dans une double filiation avec la Grande didactique de Comenius24 et l’Émile de Rousseau. La formation morale accompagnant naturellement la formation intellectuelle rénovée, induit une relation maître-élève harmonieuse, dégagée des contraintes disciplinaires, ce qui libère du temps et des potentialités nouvelles pour l’enfant. À Dessau, l’éducation avant six ans est essentiellement orale et sensori-motrice :

Parmi tous les exercices dont je vais parler et dont je veux détailler ici la pratique, celui-ci (bain linguistique), joint à celui du commandement, doivent être presque les seuls qu’on mette en usage avec des enfants au-dessous de six ans. Avec ceux qui deviennent écoliers à un âge plus avancé, il convient de pratiquer les mêmes méthodes, au moins quelques mois, avant que de faire usage des tableaux. […] Au commencement son étude unique doit être de parler avec ses écoliers, fréquemment, lentement, distinctement et correctement – des objets qui sont autour d’eux, et de ne jamais se permettre un jugement précipité, faux ou hors de la portée des enfants.

  • 25 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 29-30.

Qu’on dise ces mots en allemand, en français, en russe, en polonais, en italien, en anglais, en portugais ou en latin, en grec, en hébreu, – dans quelque langue que l’on veuille et cela en même temps qu’on montre ces objets, – il est certain que l’on se fera entendre par un enfant, tout comme par un jeune homme, ou par un vieillard, qu’on se fera mieux et plus promptement entendre et que l’impression sera plus durable que par aucune autre méthode. De cette manière le déplaisir des écoles se change en plaisir – le caractère moral des enfants devient plus facile à corriger – les maîtres et les écoliers ont moins de peine et plus d’agrément […] car par cette méthode, l’esprit et le cœur se formant sans comparaison plus vite, on ménagerait à la jeunesse beaucoup de temps qu’elle pourrait employer avec utilité à l’exercice de quelques arts et à des ouvrages mécaniques25.

Controverses

  • 26 Ibid., p. 27.

30Wolke décrit sa « Méthode naturelle » comme « la seule bonne méthode d’enseigner les langues étrangères », tout en prétendant que « c’est à tort que bien des personnes ont déclamé contre elle, et l’ont regardée comme une puérilité nuisible, n’étant pas même un jeu »26. Et en effet, les opposants résolus ne manquent pas. Au premier rang de ceux-ci, on trouve les philologues, qui règnent alors en maîtres sur l’université et les gymnases allemands. Ils reprochent aux pédagogues de Dessau de gravement compromettre la structure même des études classiques. Basedow et Wolke osent en effet prétendre enseigner le latin ou le français à un enfant en six mois, et préparer l’accès à l’université en quatre années pour un élève du Philanthropinum ; ils sont communément traités par la plupart des philologues de « présomptueux charlatans ».

31Les textes de Johann Georg Schlosser (1735-1799) constituent à cet égard une excellente synthèse théorique des multiples griefs envers les maîtres de Dessau. Né à Francfort, Schlosser étudie le droit à Giessen, Iéna et Altorf. En 1766, il entre au service du duc Frédéric Eugène de Wurtemberg. Sa rencontre avec son cadet Goethe, avec lequel il entre en contact lors d’un passage à Leipzig, marque le début d’une amitié durable. En 1770, Schlosser et son frère Hieronymus retrouvent Goethe qui achève ses humanités à Strasbourg. Il devient conseiller aulique du margraviat de Bade en 1773 et épouse la même année Cornélia, la sœur de Goethe, alors âgée de vingt-trois ans.

32Le couple séjourne dans le couloir rhénan, à Emmendingen, où Goethe retrouve sa sœur bien aimée en piteux état, incapable de s’accoutumer à la vie provinciale, malgré les visites et le soutien de ses amis, en particulier Lavater et Pfeffel :

  • 27 Johann Wolfgang von Goethe, op. cit., vol. XVIII, p. 453.

Je me séparai d’eux, parce que j’avais un détour à faire pour aller à Emmendingen, où mon beau-frère était grand bailli. Je regardais cette démarche, faite pour voir ma sœur, comme une véritable épreuve. Je savais qu’elle n’était pas heureuse, sans qu’on pût donner tort soit à elle même, soit à son mari, soit à la situation. Cornélie était une nature à part, dont il est difficile de parler27.

33Les contacts noués par Schlosser en Europe, dans la bouillonnante période du Sturm und Drang, font de cet esprit brillant et curieux de son époque, un homme de réseaux. Il appartient d’abord au premier cercle des Stürmer qui, autour de Goethe et de Herder, rassemble Jakob Michael Reinhold Lenz, Johann Heinrich Jung-Stilling, Heinrich Leopold Wagner, Friedrich Rudolf Salzmann et Johann Lorenz Blessig. Il est également un membre actif, avec Blessig et Salzmann, de la Deutsche Gesellschaft, groupement strasbourgeois des promoteurs protestants du Sturm und Drang, contrepoids à l’influence des sociétés littéraires catholiques plus francophiles. Enfin, si Salzmann et Blessig notamment comptent parmi les fondateurs de la maçonnerie strasbourgeoise, on retrouve également leur trace au sein du groupe arcane des Illuminaten, créé en 1776 et dont le grand maître pour toute l’Allemagne n’est autre que l’incontournable Johann Georg Schlosser. Il n’est donc guère étonnant de trouver en retour la même année son nom sur les tablettes de la Société Philanthropique de Salzmann, aux côtés d’Isaak Iselin, membre fondateur de la Société helvétique, mais aussi membre de l’ordre des Illuminés. Le serpent se mord la queue, et renforce une fois encore l’idée selon laquelle le décryptage de la toile dense et complexe tissée par les réseaux philosophiques, philanthropiques et maçonniques, est nécessaire à qui veut comprendre la genèse et suivre la circulation des idées pédagogiques dans cette deuxième partie du xviiie siècle.

34C’est ainsi tout naturellement dans les colonnes des Éphémérides de l’humanité que se noue le débat sur le philanthropinisme, entre Schlosser, adversaire des « conceptions ludiques et dilettantes de l’apprentissage selon Basedow » et Iselin, chantre des pédagogues de Dessau. Dans un premier texte de 1776, le conseiller aulique du margrave de Bade répond à Iselin à propos de la référence des philanthropinistes à l’Émile de Rousseau :

Qu’est ce que votre Émile a gagné avec ses efforts physiques continus, jusqu’à l’âge de 16 ou 18 ans au plus ? À quoi la force de ses poings lui sert-elle au bureau, la résistance de sa peau au cabinet de travail ? Certes il ne s’en séparera pas mais ne l’entretiendra jamais sans de grands renoncements. Il apprendra ainsi, petit à petit, à préférer s’asseoir près du poêle en hiver, à préférer se flatter le palais, et petit à petit préférera prolonger son sommeil plutôt que de l’écourter.

  • 28 Johann Georg Schlosser, « Herrn Hofrath Schlossers zweites Schreiben über die Philanthropinen », in (...)

Je ne dis pas tout cela à propos de l’institut de Basedow ; je vous écrirai une autre lettre pour expliquer tout ce que je pense de chaque aménagement particulier à cet institut. Je le dis seulement en général, pour vous montrer combien une éducation parfaite est peu plausible ici-bas ; en conséquence, nous devrions pouvoir d’abord nous entendre au sujet du but que nos instituts d’éducation actuels peuvent poursuivre28.

35Premiers arguments centrés, donc, autour de la question de « l’utilité » des apprentissages, et particulièrement de celle de l’éducation naturelle et physique. Schlosser réclame une réflexion, préalable à toute réforme, sur les finalités de la formation : faut-il former un « Émile » cosmopolite, au sein d’un équilibre précaire entre les dimensions affectives, corporelles et intellectuelles, ou s’agit-il de façonner un citoyen utile à la société, dont l’éducation est prédéterminée par la charge qu’il est susceptible d’occuper à l’âge adulte ? Dans le second volume des Éphémérides, Schlosser amorce un débat d’une autre nature autour de la méthode philanthropiniste vantée par Iselin : est-il vraiment possible d’apprendre sans peine ?

  • 29 Ibid., vol. 2, p. 47.

Vous direz que le Philanthropinum de Marschlins et Basedow a prescrit une méthodologie philosophique, qui paraît si facile, qu’aucun travail n’est nécessaire pour s’instruire ; ne peut-on alors atteindre ce but, sans charger les jeunes avec un travail laborieux, qu’en les détournant dans le même temps de l’anxiété courante par rapport au travail et au savoir ?29

36Schlosser conteste alors certains aspects qui lui semblent excessifs dans le discours des philanthropes, et apparaissent aux tenants des anciennes routines comme de véritables provocations : la référence constante à une méthodologie jugée infaillible, la volonté de convaincre à tout prix combien son application procure d’économies de temps et de peines entraînent un déchaînement de critiques, de railleries caricaturales, et une véritable guerre d’usure dont il est ici un porte-parole : il n’est ni possible, ni souhaitable d’apprendre de façon ludique. Le rapport au savoir doit nécessairement s’accompagner de renoncements, de contraintes, de souffrances… Seul les meilleurs parviennent au bout du chemin. Dans un troisième passage, le conseiller aulique, faisant appel au « bon sens » et à l’expérience de son interlocuteur, s’engage plus avant dans la justification des nécessaires contraintes liées aux apprentissages, en contestant le rapport au temps, totalement inadapté d’après lui, qui rythme les activités au Philanthropinum :

Mon Dieu, quelle sorte de conseillers, d’avocats, de fonctionnaires, de professeurs, de prêtres, de médecins, de commerçants sont habitués à ne pas attacher leur attention sur quelque chose plus d’une demi-heure ! Ceux-là, lorsqu’ils ont eu Tite-Live une demi-heure entre les mains, aussitôt après saisissent le fleuret, puis écrivent à nouveau une demi-heure et sautent à cheval, et calculent à nouveau une demi-heure puis se jettent sur le violon […] Si je n’étais pas resté assis à l’école de huit heures à 12 heures, Iselin, aurais-je pu rester de huit heures à quatre heures et demie au gouvernement, pourrais-je à présent rester de sept heures et demie jusqu’à une heure et demie au bureau ? Oui et plus encore ! Votre jeune philanthrope pourra-t-il se concentrer, lorsque les nerfs de ses bras tremblent encore à cause du fleuret, lorsque son sang bouillonne encore à cause de la danse, lorsque son oreille résonne encore de la musique, pourra-t-il rassembler ses esprits pour penser, pour être attentif à la bouche du maître ?

Lorsque je m’accorde encore aujourd’hui une promenade à cheval tôt le matin, j’ai moi-même besoin de toute une heure pour me concentrer au travail, et pourtant je suis bien au-delà de l’âge de vos élèves, beaucoup plus endurci aux travaux ; pourtant, je chevauche jusqu’à ce que j’en ai assez. Vos jeunes doivent toujours arrêter les exercices corporels juste au moment où ils leur sont le plus agréables ; ils sont encore dans la période enflammée et pleine vie de leur âge. Ils doivent travailler péniblement, apprendre et penser comme moi, être peu stimulés pour cela, car la récompense est si lointaine, avoir peu de plaisir à cela, car ils sont tout juste au pied de la montagne.

  • 30 Ibid., p. 43-45.

[…] Iselin ! Vous êtes plus âgé que moi : mais rappelez-vous de mon époque, comme je me rappelle mon enfance. Auquel d’entre nous, jeter un regard au ciel clair au travers de la fenêtre pendant les cours de droit ennuyeux, n’a pas coûté de pénibles renoncements difficiles qui brisent le cœur : rester assis là et penser à des cas juridiques. Lorsque nous devions nous enfermer dans notre cabinet au lever du soleil, et entendre les oiseaux siffler dehors, respirer l’air du matin, voir briller la rosée […]30.

  • 31 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 29.

37Schlosser se veut ainsi le gardien d’une tradition scolastique qui entretient soigneusement le mythe d’études rigoureuses dans les règles : contestant le bien-fondé de valeurs éducatives telles que l’intérêt, le plaisir, la liberté, il tient l’ordre établi par les anciens, le renoncement et la discipline pour garants de toute formation humaine érudite. À l’appui des dénégations, sans aucun doute excessives, de Schlosser et des détracteurs du Philanthropinum, on peut s’étonner du choix de Wolke d’un « élève virtuel », pour mettre en scène les pratiques éducatives au quotidien : « Mais je viens à l’exposition que j’ai promise. Pour la rendre plus intelligible, j’espère aussi plus agréable à mes lecteurs, je vais supposer qu’un de mes élèves interrogé sur cet objet rend compte des effets que mon instruction produisit autrefois sur lui »31. Est-ce à dire qu’un élève réel n’aurait pu clairement exprimer ce que Wolke place dans la bouche de son élève virtuel ? De même les témoignages de certains contemporains viennent tempérer le caractère infaillible de la méthode d’apprentissage des langues :

  • 32 Cité par Bruno Stehle, Der Philanthropinismus und das Elsass. Dessau, Strassburg, Colmar, Markirch, (...)

Ensuite Simon enseignait avant tout l’histoire, tout en étant le professeur de français, langue au travers de laquelle il essayait également de partager ses connaissances en philosophie et en sciences physique et naturelle ; il donne des cours de danse qui avaient lieu le soir après souper. À vrai dire, il aurait dû dispenser ses cours d’histoire en langue française, mais il utilisait constamment l’allemand car la majeure partie de ses auditeurs étaient non francophones. Quant à Schweighäuser, je ne lui vis tenir que des leçons de lecture en allemand32.

38Au crédit des éducateurs de Dessau, il faut cependant rappeler que le courant pédagogique initié par Basedow compte parmi ses sympathisants bon nombre des personnalités les plus éminentes de l’époque : les Aufklärer Kant, Lessing et Mendelssohn, déjà cités pour l’Allemagne, Euler, Lavater et le chancelier Iselin, en ce qui concerne la Suisse et pour ne nommer que ceux-là. La circulation des idées au sein des réseaux n’a donc rien de monolithique : si Iselin et Schlosser partagent une même exigence morale, professent tous deux un christianisme qui vise à faire coexister foi, raison et sentiments, le conseiller aulique se méfie de la prétention de l’Aufklärung à vouloir tout régenter.

Réseaux philanthropinistes

39Nous avons déjà vu à quel point le Suisse Isaak Iselin se présente comme le principal propagandiste des idées de Basedow, auquel il offre au travers de ses Éphémérides une tribune du plus grand intérêt. La correspondance entre les deux hommes débute en 1768, date à laquelle Basedow reprend à son compte le terme de philanthrope initié par le chancelier bâlois. Les échanges épistolaires s’accélèrent alors : à titre d’exemple, on dénombre sept lettres en 1768-69 et cinq lettres de Basedow à Iselin entre 1773 et 1776. En août 1768, le Bâlois lance une souscription en faveur des projets de Dessau, et Lavater se joint à lui l’année suivante. En mai 1769 paraissent en Suisse les premiers exemplaires de l’Elementarwerk diffusés par les deux hommes et, en juin, Iselin lance un 2appel à la Société helvétique : Schreiben an die Helvetische Gesellschaft über Herrn Basedow’s Vorschläge zur Verbesserung des Unterrichts der Jugend qui sera largement répercuté par les médias de l’époque. On retrouve dans la bibliothèque d’Oberlin à Waldersbach les Einige Briefe über das Basedowische Elementarwerk, écrites conjointement avec Lavater. Enfin, dans la controverse avec Schlösser, déjà mentionnée, Iselin prend radicalement le parti du Philanthropinum. Une attaque personnelle assez perfide de Basedow contre Schlösser conduit Iselin à prendre ses distances, et, en 1775, on perçoit une dimension critique dans les propos du chancelier, lors d’une recension de cinquante pages de l’Elementarwerk. Mais si Lavater et Iselin ont très clairement et très concrètement parrainé Basedow et son œuvre jusqu’à cette date, ils ont également soutenu les écrits et les démarches de la plupart de ses émules, qui vont contribuer à tisser dans le couloir rhénan un réseau cohérent de philanthropins. Il nous faut rappeler une fois encore que les conditions permettant l’ouverture d’un Philanthropinum sont le plus souvent liées à la présence d’une société philanthropique locale – et à travers elle de la franc-maçonnerie locale –, qui en assure la promotion et le financement.

40Si les éducateurs contemporains prennent par ailleurs le temps de relire les différents aspects du projet éducatif philanthropiniste, ils seront peut-être surpris d’y découvrir bien des « nouveautés » que l’on attribue traditionnellement aux pédagogues de l’école nouvelle. Pour l’essentiel, la « modernité » des pédagogues philanthropinistes se résume dans une maxime : pas d’apprentissage sans éducation, pas d’éducation sans apprentissage. Les champs didactiques et éducatifs restent intimement mêlés dans toute velléité d’enseignement. Il faut se garder de les disjoindre, au risque de l’incohérence.

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Notes

1 Auguste Pinloche, La réforme de l’éducation en Allemagne. Basedow et le philanthropinisme, Paris, A. Colin, 1889.

2 Philalethie, oder Aussichten in die Wahrheit und Religion der Vernunft, bis in die Grenzen der glaubwürdigen Offenbarung, Altona, 1762, 2 vol. ; Theoretisches System der gesunden Vernunft, 1765 ; Methodischer Unterricht in Religion und Sittenlehre, 1765.

3 Livre élémentaire ou Recueil encyclopédique pour l’enseignement de la jeunesse, Dessau, 4 vol., avec cent planches de Chodowiecki.

4 Émile G. Léonard, Histoire générale du protestantisme (vol. 3), Paris, PUF, 1964, p. 98.

5 Le Monde sensible illustré en quatre langues.

6 Johann Wolfgang von Goethe, Poésie et vérité. Souvenirs de ma vie (P. du Colombier, trad.), vol. XIV, Paris, Aubier, 1941/1991, p. 403.

7 Cité par Ferdinand Buisson dans Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1911, p. 2065-2066.

8 Voir notamment Johann Friedrich Simon, Observations sur l’organisation des premiers degrés de l’instruction publique par Simon, ex-professeur d’allemand au prytannée de Saint-Cyr, Paris, Levrault, 1801 ; Notions élémentaires de langue allemande, par M. Simon, Strasbourg, Levrault, 1807 ; Grammaire allemande où l’auteur s’efforce de développer le mécanisme de cette langue dans son ensemble à l’usage de S. A. S. Mgr le Duc de Chartres. Précédé d’un précis de grammaire générale par M. Simon, Paris, Levrault frères, 1819.

9 Voir Johann Friedrich Simon, Johann Schweighäuser, Einiger vom Dessauischen Philanthropin abgegangenen Lehrer Gedanken über die wichtigsten Grundsätze der Erziehung, Leipzig, Weidmanns, Erben und Reich, 1779 ; Anonyme, Die Gemeinnützigsten Kenntnisse aus der Natur und Kunst, in der Art eines neuen Orbis pictus der mittleren Jugend dargestellt von Simon und Schweighäuser, Bâle, Thurneissen, 1781.

10 Instruction pour les mères et les instituteurs.

11 Méthode naturelle d’instruction.

12 Christian Heinrich Wolke, Méthode naturelle d’instruction, Leipzig, Lebrecht Crusius, 1782, p. 4.

13 Ibid., p. 8.

14 Émile G. Léonard, op. cit., p. 36.

15 Cité par Émile G. Léonard, op. cit., p. 46.

16 Johann Wolfgang von Goethe, op. cit., vol. IV, p. 93.

17 Johann Bernhard Basedow, Christian Heinrich Wolke, Johann Friedrich Simon, Johann Schweighäuser, Philanthropischen Archivs, Leipzig, Lebrecht Crusius, 1776.

18 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 18.

19 Ibid., p. 20.

20 Ibid., p. 22-23.

21 Marlies Jansen, Religionsunterricht und Sittenlehre philanthropischer Pädagogen (Basedow – Campe – Salzmann) als Konsequenz ihrer theologish – anthropologischen Standorte, Duisbourg, thèse de doctorat, 1978, p. 255.

22 Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, 16 prairial An II. « Il n’y a qu’environ quinze départements de l’intérieur où la langue française soit exclusivement parlée… ».

23 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 26-27.

24 Jan Amos Comenius, La Grande Didactique, Paris, Klincksieck, 1992 [1657].

25 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 29-30.

26 Ibid., p. 27.

27 Johann Wolfgang von Goethe, op. cit., vol. XVIII, p. 453.

28 Johann Georg Schlosser, « Herrn Hofrath Schlossers zweites Schreiben über die Philanthropinen », in : Isaak Iselin, Ephemeriden der Menscheit, oder Bibliothek der Sittenlehre, der Politik und der Gesetzgebung, Bâle, Schweighauser, vol. 1, 1776, p. 35.

29 Ibid., vol. 2, p. 47.

30 Ibid., p. 43-45.

31 Christian Heinrich Wolke, op. cit., p. 29.

32 Cité par Bruno Stehle, Der Philanthropinismus und das Elsass. Dessau, Strassburg, Colmar, Markirch, Strasbourg, Friedrich Bull, 1913, p. 20.

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References

Bibliographical reference

Loïc Chalmel, “Johann Bernhard Basedow ou la diffusion transnationale d’une pédagogie des amis de l’humanité”Revue germanique internationale, 23 | 2016, 17-33.

Electronic reference

Loïc Chalmel, “Johann Bernhard Basedow ou la diffusion transnationale d’une pédagogie des amis de l’humanité”Revue germanique internationale [Online], 23 | 2016, Online since 17 June 2019, connection on 16 April 2024. URL: http://journals.openedition.org/rgi/1575; DOI: https://doi.org/10.4000/rgi.1575

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Loïc Chalmel

Professeur d’histoire des idées pédagogiques à l’Université de Haute-Alsace à Mulhouse et directeur du laboratoire LISEC Alsace-Lorraine (EA 2310)

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